17/03/2016

Karen Blixen, l’autre reine du Danemark





La baronne Blixen est née Karen Christentze Dinesen le 17 avril 1886 à Rungstedlund à 20 kilomètres au nord de Copenhague dans une famille de la riche bourgeoisie terrienne. Son père Adolph Wilhelm Dinesen était officier de l’armée danoise mais également un écrivain reconnu. 

Adolphe Denisen
Sa mère Ingeborg Westenholz était issue d’un milieu de négociants extrêmement fortunés et cultivés.


Ingeborg Westenholz
Son père fût élevé au château de  Katholm, une propriété de près de 1200 hectares et sa mère au Manoir de Mattrup une propriété de près de 2 000ha, toutes les deux dans le Jutland. 

Château de Katholm


Manoir de Mattrup
Le capitaine Dinesen était un être complexe. Libéral dans un milieu très conservateur – il fut élu sous cette étiquette au Parlement danois en 1892 -  officier danois suite à l’affaire des duchés en 1864 où dans la guerre que lui fit intentionnellement la Prusse, le Danemark perdit les duchés du Holstein et de Schleswig,  il s’engagea dans l’armée française en 1870 pour combattre les Prussiens. Puis il voyage au Canada et aux Etats-Unis au cours de l’année 1871. Il y vécut même en trappeur pendant six mois. 

Cabane d'Adolph Denisen dans le Wisconsin
Après un voyage dans la région de Constantinople, il acheta en 1879, grâce à son héritage, prélude à son mariage, la propriété agricole de Rungstedlund où naquit Karen.

Domaine de Rungstedlund
Le mariage des parents de Karen, célébré en 1881, ne fut pas du goût de Madame Westenholz, belle-mère qui trouvait Adolph Wilhelm Dinesen trop fantasque à son goût. Cinq enfants naquirent Inger (dite Ea en 1883), Karen (en 1885, dite Tanne), Ellen (en 1886, dite Ella), Thomas (en 1892) et Anders (en 1894).

Ingeborg Denisen avec ses trois filles
Karen, alors que sa mère se consacrait à son aînée Inger, fut  le compagnon de promenade de son père dans la campagne environnant le domaine. Il lui transmit son amour de la nature et de la chasse et en fit la confidente enfantine de son âme tourmentée.

Ecrivain, sous le nom de plume de Boganis, Dinesen connut le succès et il est aujourd’hui avec son ouvrage “ Lettres de Chasse ” un classique de la littérature danoise. 



Le 28 mars 1895, il se suicida sans aucune raison apparente, son fils Thomas soupçonna qu’atteint de syphilis, il ne voulut pas connaître la degradation physique et mentale liée à cette maladie, incurable à l’époque. La famille sembla avoir vécu plus tard dans la culpabilité de ce geste.

Karen avait neuf ans et la famille retourna vivre au Manoir de Mattrup, domaine des Westenholz. 

Après une scolarité à la maison, selon le cursus d’une jeune fille de la bourgeoisie cultivée elle étudia l’histoire de l’art à Copenhague, Paris et Rome.

Riche, elle pouvait vivre à sa guise, indépendante des codes de la bonne société, ce qui ne la conduisit toutefois qu’à écrire et publier – une emancipation quasi sacrilège pour l’époque -  dans des revues périodiques danoise en 1905, sous le pseudonyme de Osceola, le nom d’un leader de la tribu des Seminole, sans doute inspiré par les voyages de son père en Amérique du Nord.

Elle s’adonna également à la peinture.

Elle publia son premier ouvrage en 1907, un conte “ Les Reclus ”, puis d’autres jusqu’en 1909. Devant leur peu de succès, elle cessa d’écrire.

Ce fut aussi le temps des amours. A défaut d’être aimée de son cousin, Hans von Blixen-Finecke, pour lequel elle éprouvait une passion, et après une période de désespoir devant l’indifférence du jeune homme, elle épousa le jumeau de celui-ci le baron Bror von Blixen-Finecke, un aristocrate suédois. Ils se marièrent à Mombasa au Kénya le 14 janvier 1914.

Baron Bror von Blixen-Finecke
Le couple, avec de l’argent de la famille de Karen, acheta une plantation de café “ M'Bagathi ” au Kénya d’une superficie d’environ 3000 ha et employa des ouvriers africains de la tribu des Kikuyu. 
Karen avec plateaux en argent, verres en cristal, porcelaines précieuses, meubles, linge, portraits de famille, bijoux et livres rares entendait de faire de sa ferme un lieu de civilisation. 


La maison sur la plantation de café, la "Ferme africaine"
Malgré leurs différences il y eut entre elle et Bror une affection mutuelle. Longtemps après l'échec de ce mariage, elle continua de parler de ces premiers temps de vie commune comme de l'une des périodes les plus heureuses de sa vie. 


Karen Blixen en Afrique, sur sa ferme
Karen aima de suite l’Afrique et les Africains de manière sensuelle – mais non sexuelle car on ne lui connait aucun amant africain -  " Ils entrèrent dans mon existence, écrivait-elle à la fin de sa vie, comme une sorte de réponse à quelque appel de ma nature profonde, peut-être à mes rêves d'enfance, où à la poésie que j'avais lue et adorée longtemps auparavant, ou aux émotions et aux instincts qui gisaient au plus profond de moi ”.



Karen Blixen avait toutefois une grande conscience de son rang et gardait ses distances vis-à-vis des colons qui lui étaient socialement inférieurs. Ses lettres marquent bien le mépris pour la banalité des colons blancs et des Anglais en particulier dont les préjugés raciaux la choquaient. Karen était loin d’être convaincue de la supériorité de la race blanche.

L’affaire dénommée “ Karen Coffee Co. ”, confiée à la gestion du Baron Blixen connut rapidement des déboires financiers en raison de son incompetence en matières financière et agricole. Mais la pire pour Karen restait à venir. Après un an de mariage, elle découvrit que son mari lui avait transmis la syphilis et qu’il la trompait sans honte. 

Le couple s’éloigna et divorça en 1925. Et après s’être soignée avec succès au Danemark en 1915, Karen reprend seule la gestion de l’affaire, condition imposée par sa famille. Son frère, Thomas, vint l’aider de 1918 à 1923. Il fut convaincu que la ferme n'est pas économiquement viable.
Au cours des années suivantes, la situation empirant, Karen ne cessa de demander de l'argent à sa famille pour faire survivre la ferme.  


Karen devant un des bâtiments de la ferme
En 1918, elle avait rencontré Denys Finch Hatton, chasseur de grand fauves et pilote, son grand amour africain. Il était le second fils du comte de Winchelsea. Il s’installa à la ferme après le divorce de Karen. Il organisait des safaris pour de riches clients, dont le Prince de Galles en 1928. 

La chambre de Denys dans la ferme
La relation de Karen et Denys, bien que non sans nuages, fut profonde et leur amour mutuellement partagé. Il mourut dans un accident d'avion le 14 mai 1931, à l'âge de 44 ans.

Denys Finch Hatton
La même année la ferme fut vendue car la situation financière de l’exploitation ne permettait plus de continuer et l’entreprise liquidée. Karen Blixen passa les derniers mois à vendre la dernière récolte et tenter d'assurer la situation de ses employés.

Keren Blixen écrivit à propos de l’Afrique: " Je me rends compte combien j'ai été favorisée d'avoir pu mener une vie libre et humaine sur une terre paisible, après avoir connu le bruit et l'inquiétude du monde "

Elle rejoignit Rungstedlund le 31 août 1931, ruinée et désespérée. 

Salon à Rungstedlund
Sa vie, quitter la ferme et l’Afrique, lui semblaient alors un échec total. Elle passerait le reste de sa vie dans la propriété familiale.

Karen Blixen et sa mère en 1936
C’est alors que naquit l’écrivain désormais mondialement connue. 

" Personne n'a payé plus cher son entrée en littérature " , a-t-elle écrit d’elle-même.

Après plusieurs refus, en 1934 est enfin publié sous le pseudonyme de Isak Dinesen “ Sept contes gothiques ” par  un éditeur américain, Robert Haas. Le succès est immédiat.

En 1937, elle publie “ La Ferme Africaine ”, " Den afrikanske Farm ", en danois, " Out of Africa " en anglais.

Couverture d'une des premières éditions
En 1942, elle publie les “ Les Contes d’Hiver ” puis en 1957 “ Les Derniers Contes ”, et en 1958 “ Anecdotes du Destin ” qui comprend “ Le dîner de Babette ”. Il y eût bien sûr beaucoup d’autres publications, même posthumes.


Affiche du film dans sa version française
Elle devint dans les dernières années de sa vie l’un des personages principaux de la littérature et un auteur mondialement reconnu.

L’ensemble de l’oeuvre de Karen Blixen s’apparente beaucoup plus au conte fantastique qu’au roman d’amour tel qu’écrit dans “ La Ferme Africaine ”. Le merveilleux nordique s’illustre dans des histoires mi réalités mi rêves. D’un style classique, inspiré du XIXème siècle, il est à noter que ces livres furent écrits en anglais avant d’être traduits en Danois.

Karen Blixen
Si “ La Ferme Africaine ” fut l’histoire d’amour d’une femme avec un homme et l’Afrique, “ Le dîner de Babette ” fut l’histoire de la générosité, de la gratuité et du don de soi, dans un petit village du Jutland. Les deux firent l’objet de films aujourd’hui cultes. Meryl Streep en Karen Blixen elle-même dans le premier et Stéphane Audran en Babette dans le second.

En 1959, Karen fit un voyage triomphal aux Etats-Unis. Reçue par toutes les meilleures hôtesses de la société américaine, elle eût même le plaisir de dîner en compagnie de Marylin Monroe et de son mari Arthur Miller, comme elle en avait exprimé le souhait.


Avec Marylin Monroe
Elle mourut dans sa maison de Rungstedlund, le 7 septembre 1962. Elle fut enterrée dans le parc de sa demeure. Toute sa vie celle que nous connaissons sous le prénom de Karen fut appelée Tania ou Tanne par ses intimes.

Karen Blixen à la fin de sa vie
Ecrivain mondial, elle ne reçut toutefois pas le Prix Nobel de Littérature mille fois mérité.

Le domaine où elle naquit, vécut une grande partie de sa vie et où elle mourut est aujourd’hui administrée par une fondation “ The Rungstedlund Foundation ”, créée par Karen Blixen et ses frères et soeurs. Il fut ouvert au public en 1991  à la suite de son inauguration par SM la reine de Danemark.

Tombe de Karen Blixen




Extrait de film : Out of Africa 



Extrait de film : Le Festin de Babette

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