15/04/2016

Archiduchesse Sophie

La princesse Frédérique Sophie Dorothée Wilhelmine de Wittelsbach, née le 27 janvier 1805, à Munich était la fille de Maximilien Ier Joseph roi de Bavière et de Caroline Frédérike Wilhelmine, princesse de Bade. 

L'archiduchesse Sophie en 1836
Lithographie de Josef Kriehuber 
Le roi de Bavière, duc des Deux-Ponts-Birkenfeld, issu d’une branche cadette de la Maison de Bavière, dut sa couronne royale à deux circonstances exceptionnelles, l’absence de descendance mâle directe dans la ligne aînée de l’Electeur et duc de Bavière et l’érection du duché de Bavière en Royaume en 1806, grâce à Napoléon.

Les princesse Ludovica, Marie et Sophie de Bavière
La fratrie de Sophie se composait de Louis (1786-1868), Augusta-Amélie (1788-1851), Caroline-Auguste (1792-1873) Charles-Théodore (1795-1875), comme issus de la première union de son père avec la princesse Wilhelmine de Hesse-Darmstadt (1765-1796) et de Elisabeth (1801-1873), Amélie (1801-1877), Marie (1805-1877), la jumelle de Siphie, et Ludovika (1808-1892), issues comme elle de la seconde union.

Elevée dans une famille francophile et bonapartiste, la princesse Sophie parlait parfaitement le français et admirait Napoléon et les gloires de l’Empire. Sa sœur Augusta avait épousé sur ordre le prince Eugène de Beauharnais, beau-fils de Napoléon, et connaissait avec lui un bonheur partagé. Le couple vécut d’ailleurs à Munich à la chute de l’Empire, le prince étant unanimement aimé et respecté tant par la famille royale que par le peuple.  

Sophie fut une enfant intelligente et espiègle, faisant la joie de toute sa famille.

Comme pour beaucoup de princesses son destin fut scellé par les autres. Le Congrès de Vienne, en 1814, décida qu’elle devait épouser l’Archiduc François-Charles, deuxième fils de l’Empereur François Ier d’Autriche, appelé à monter sur le trône, en raison de la débilité du fils aîné, l’Archiduc Ferdinand.

Archiduc François-Charles
A la vue du portrait de son futur et après l’avoir rencontré Sophie pleura trois jours dans sa chambre. Il était loin de représenter l’idéal pour une jeune fille romantique comme elle. Sa mère lui ayant fait comprendre qu’elle n’avait pas le choix, Sophie décida d’accepter son sort et le mari qu’on lui destinait et “d’être heureuse malgré tout”. Le 4 novembre 1824, elle épousait François-Charles en la Chapelle des Augustins à Vienne.

La famille impériale en 1826 par Leopold Fertbauer

Impératrice Caroline Augusta, empereur François Ier, François duc de Reichstadt, archiduchesse Sophie, Marie-Louise duchesse de Parme, archiduc Ferdinand et archiduc François-Charles
Elle retrouva à la cour sa soeur, Caroline-Augusta, quatrième épouse de l’Empereur François, qui devait ainsi sa belle-mère. Mais les qualités personnelles de Sophie firent d’elle en réalité la première dame de la Cour, position que sa soeur ne lui contesta pas et que ne contesta pas non plus, plus tard, l’épouse de Ferdinand, la princesse puis impératrice, Maria-Anna de Savoie.

Napoléon François Charles Joseph Bonaparte
Roi de Rome, duc de Reichstadt
Portrait par Moritz Daffinger
Elle y rencontra celui que l’on appelait “Le délicieux Reichstadt”, le fils de Napoléon et de Marie-Louise. La position ambigüe à la Cour du jeune duc ne l’empêchait pas de jouir de l’affection de son grand-père l’empereur et de toute sa famille Habsbourg qui chérissait l’enfant au destin malheureux. La romantique Sophie, sans doute émue par la situation du neveu de son mari, peut-être touchée par la beauté du jeune homme, eût avec lui une idylle platonique. La mort du jeune homme le 22 juillet 1832 laissa Sophie, alors enceinte de son deuxième enfant, le futur Maximilien du Mexique, complètement effondrée. Elle l’avait soutenu dans les derniers mois de sa vie et avait communié avec lui lorsqu’il reçut les derniers sacrements. Son chagrin fit dire à certains que l’enfant qu’elle portait était du duc de Reichstadt, hypothèse fantaisiste quand on connait la personnalité de Sophie, trop consciente de sa position et de ses devoirs et la promiscuité dans laquelle vivait la Famille Impériale. Leur relation, au vu et au su de tous, fut d’ailleurs parfaitement admise par le mari de Sophie, François-Charles, et par l’ensemble de la famille.

François Ier,  Empereur d'Autriche et du Saint-Empire
A la mort de l’Empereur François Ier, en 1835, le Chancelier Metternich imposa de ne pas modifier l’ordre successoral, contrairement à la volonté de l’Empereur, et permit l’accession au trône de l’Archiduc Ferdinand (1793-1875), incapable de régner. Le chancelier conservait ainsi la haute main sur la politique de l’Autriche et de l’Europe. 

Ferdinand Ier, empereur d'Autriche
Portrait par Léopold Kupelweiser
L’Archiduchesse Sophie n’approuva pas cette décision qui privait son mari, à peine plus capable que son frère, du trône et ne lui permettait pas à elle de jouer le rôle politique qu’elle envisageait. 

L'archiduchesse Sophie et ses enfants par Peter Fendi
En effet la jeune femme romantique, mère de cinq enfants, François-Joseph né en 1830, Maximilien née en 1832, Charles-Louis en 1833, Marie-Caroline née en 1835 et morte en 1840, et enfin Louis-Victor né en 1842, avait laissé la place à la femme politique. 


L'archiduchesse Sophie et son fils aîné l'archiduc, puis empereur, François-Joseph
Portrait par Josef Karl Stieler
La famille impériale en 1835
A droite, le couple archiducal François-Ferdinand et Sophie.
A gauche le couple impérial Ferdinand et Maria-Anna, et les autres frères de l'empereur.
Considérée, selon les critères de l’époque, comme une très belle femme – son frère le roi Louis Ier de Bavière mit son portrait dans sa Galerie des cent plus belles femmes d’Europe - elle dut se contenter d’être officieusement la première dame de l’Empire, tenant le salon le plus brillant de Vienne, recevant les gloires de l’époque, parmi elles Chopin, Liszt et tant d’autres, admirée de tous. Johann Strauss lui dédia une valse. Vienne et l’Europe se pressaient aux portes de son salon.

Le salon de musique de l'archiduchesse Sophie à Laxenburg

Archiduchesse Sophie
On donna son nom à une salle de Bal la “Sophiensaal” ainsi qu’à un établissement de bains. 

Salle de Bal "Sophie"

Les Bains "Sophie"
Le “Printemps des Peuples” en 1848 emporta ce monde né du Congrès de Vienne et avec lui le Chancelier Metternich. Il risquait aussi d’emporter la monarchie des Habsbourg. 

Bureau de Sophie à Laxenburg
Le meuble lui-même dans le plus pur style Bidermeier
L’Archiduchesse Sophie ne l’entendait pas ainsi. Elle s’était mariée par devoir, il était aussi de son devoir de sauver sa nouvelle famille. Les trois premières dames de l’Empire, l’Impératrice douairière, Caroline-Augusta, sa soeur et belle-mère, l’Impératrice consort, Maria-Anna, sa belle-soeur, et Sophie elle-même décidèrent - ce fut “Le Complot des Dames” -  que l’Empereur Ferdinand devait abdiquer et l’Archiduc François-Charles, à sa suite, renoncer au trône en faveur de son fils François-Joseph, âgé de dix-huit ans. 

L’Archiduchesse Sophie renonçait donc à être impératrice au profit de son fils car elle avait conscience que la monarchie des Habsbourg avait besoin d’un sang jeune. Il n’était bien sûr pas question qu’elle renonçât à jouer un rôle. 
Par son caractère et sa fermeté, et avec l'appui de l’Eglise, elle assit les débuts du règne de son fils aîné sur un régime absolutiste et autoritaire.
Bien que quatre de ses sœurs fussent souveraines, Amélie et Marie toutes deux successivement reines de Saxe et Elisabeth reine de Prusse, Caroline-Augusta impératrice d'Autriche, et que son neveu Maximilien fut roi de Bavière, Sophie était la véritable tête de la Famille. Les Viennois l’appelaient d’ailleurs  avec affection “Unsere Kaiserin”, notre impératrice.

François-Joseph et Elisabeth au moment de leur mariage 
La dynastie à nouveau assise, il convenait à l’empereur de perpétuer la race. Sophie décida donc que François-Joseph devait épouser une princesse non de son choix à lui, amoureux d’une de ses cousines Habsbourg, Elisabeth, de la branche palatine de Hongrie, mais de son choix à elle dans la Maison de Bavière. Et elle choisit sa nièce la belle et sage  Hélène, fille du duc Max en Bavière et de la duchesse Ludovica. Mais François-Joseph tomba éperdument amoureux de l’autre soeur, Elisabeth. Bien que contrariée dans son projet, Sophie n’en accepta pas moins Elisabeth de bon coeur et fut disposée à l’aimer. 

François-Joseph et Elisabeth, quelques années après
L'incompréhension qui se révéla tout de suite entre les deux femmes rendit la vie familiale intenable à François-Joseph obligé de choisir en permanence entre sa mère qu'il admirait, et sa femme qu'il adorait.
L’histoire des rapports entre les deux femmes est bien connue.

L'archiduchesse Sophie en 1856 au plus fort de la crise avec sa belle-fille
Portrait par Franz Schrotzberg
L'archiduchesse Sophie n'était pas la méchante et tyrannique belle-mère présentée parfois ; elle voulait la grandeur de l'Autriche et de sa Maison souveraine. Bien que manquant de tact et de patience envers sa belle-fille qui se montrait fantasque et incapable de remplir correctement les devoirs de sa charge, elle fut une excellente mère pour ses quatre fils et une excellente grand-mère, proche de tous ses petits-enfants. 
Les quatre frères en 1859.
Archiduc Louis-Victor, empereur François-Joseph,
archiduc Charles-Louis
et archiduc Maximilien, futur empereur du Mexique

L’archiduchesse Sophie ne comprenait pas que sa belle-fille préférât sa vie privée à sa vie officielle. Elle ne comprenait pas non plus ses longues absences, dont elle, Sophie, portait une part de responsabilité. Femme du siècle passé, elle ne pouvait comprendre Elisabeth, femme du siècle futur, qui considérait la monarchie comme anachronique mais dont elle vivait fastueusement et avec fort peu de contraintes.

La famille impériale en 1859.
Debout : François-Joseph, Maximilien, Charlotte, Louis-Victor, Charles-Louis
Assis : Elisabeth avec Rodolphe sur ses genoux, Gisèle, Sophie et François-Charles
Sophie conserva son influence politique sur son fils jusqu’à la succession de défaites en Italie, face à la France et au Piémont, avec la bataille de Solférino, puis en Bohême face à la Prusse à Sadowa,  qui impliquaient le retrait de l’Autriche d’Italie et d’Allemagne. Elles lui firent comprendre que son  temps était passé.

François-Charles et Sophie
Deux évènements majeurs atteignirent Sophie au plus profond d’elle-même, en 1867, la signature du Compromis austro-hongrois mettant la Hongrie qu’elle n’aimait pas beaucoup, à parité avec l’Autriche, perçu comme une victoire de l’Impératrice Elisabeth et surtout la mort de l’Empereur Maximilien, son fils préféré, au Mexique. Elle refusa de recevoir l’Empereur Napoléon III et l’Impératrice Eugènie en visite officielle en Autriche à l’été 1867. Elle les jugeait, avec raison, responsables de l’aventure mexicaine.

François-Charles et Sophie
L’Archiduchesse Sophie ne fut dès lors qu’une bonne grand-mère. Parmi ses petits-enfants, Giselle, Marie-Valérie, François-Ferdinand, Otto et Ferdinand, Rodolphe, l’espoir de la dynastie fut son préféré. Rodolphe à Mayerling et François-Ferdinand à Sarajevo moururent tragiquement. Ferdinand, par suite d’un mariage inégal, fut exclu de la famille, Gisèle et Marie-Valérie, mariées l’une en Bavière avec un cousin Wittelsbach et l’autre en Autriche avec un cousin Habsbourg-Toscane, Otto marié avec une princesse de Saxe, eurent une descendance prolifique et dynaste tant en Autriche qu’en Bavière.

Salon de l'archiduchesse Sophie à Schönbrunn
L’Archiduchesse Sophie mourut à Vienne le 28 mai 1872. Sa belle-fille, Elisabeth, l’accompagna dans ses derniers moments. Nul ne sait ce qu’elles se dirent mais Elisabeth en sortit apaisée. Son époux François-Charles mourut en 1878. Ils avaient formé malgré leurs différences de caractère et d’intelligence un bon couple.
En conclusion, il est possible de dire que l’Archiduchesse Sophie fut loin d’être la caricature autoritaire dont on se souvient par films interposés.
Femme de devoir - elle avait accepté son mariage avec résignation, en se promettant d'être heureuse malgré tout - elle avait renoncé au titre impérial pour la sauvegarde de la dynastie de Habsbourg-Lorraine - elle était également une femme politique dont les idées conservatrices, liées à la supranationalité de la Maison d'Autriche, ne convenaient plus en une période où la souveraineté nationale devenait nouvelle source de pouvoir. Sophie ne pouvait pas comprendre - elle dont le mariage avait été arrangé au Congrès de Vienne - que l'Europe de la Sainte-Alliance avait vécu.
Il est intéressant de voir la parenté immédiate de celle qui fut au coeur de ce que que l’on appellerait aujourd’hui un “network royal” .

La famille impériale vers 1830
Fille de roi, elle fut également belle-fille d’empereur - nièce d’une impératrice consort, de deux reines consorts, d’un grand-duc souverain et d’une grande-duchesse souveraine consort - soeur d’un roi, d’une impératrice consort et de trois reines consorts - belle-soeur d’un empereur et d’une impératrice consort - mère de deux empereurs - tante de trois rois, de deux impératrices consorts, d’un roi consort et de deux reines consort, d’une grande duchesse souveraine consort - cousine germaine d’une impératrice  consort, d’un grand-duc souverain, d’une grande-duchesse souveraine consort.

L'archiduchesse Sophie en 1866



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